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La foi dans un monde pluraliste
Introduction
Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de l'invitation à venir passer le week-end avec vous. C'est un réel plaisir, c'est aussi l'occasion de pouvoir m'arrêter un peu et remettre les idées en place en me penchant sur l'Évangile et les Écritures à partir de cette question si importante, voire désarçonnante : comment vivre et témoigner de sa foi dans un monde pluraliste ?
La foi dans un monde pluraliste ! La question est extrêmement vaste car nous avons tous des images, voire des idées plus ou moins précises derrière les trois mots de ce titre : la foi, le monde, le pluralisme.
Le monde
C'est assez vaste, le monde ! le monde intellectuel, le monde religieux, le monde économique, le monde social, le monde financier, le monde politique, etc. C'est un mot qu'on utilise souvent, de manière souvent péjorative, en parlant d'un groupe assez informel qui nous entoure, dans lequel on est parfois obligé de vivre. Le dictionnaire nous en donne d'ailleurs plusieurs définitions :
Ensemble formé par la Terre et les astres visibles, conçu comme un système organisé. Ensemble de tout ce qui existe. (Le monde est gouverné par une volonté puissante …) Totalité des choses et des concepts d'un même ordre (le monde de la pensée, …) Le Bas-Monde opposé l'au-delà que les âmes sont sensées habiter après la mort (mon Royaume n'est pas de ce Monde …) La vie en société considérée dans ses aspects de luxe (je vis en dehors du monde ) Ensemble de personnes (il y a du monde dans la rue)
Le plus souvent, quand on utilise le mot « monde », on désigne un groupe de personnes que l'on a rencontrées, dont on a entendu parler et qui nous semble pourvoir être regroupé dans une même catégorie. On fait ici une démarche tout à fait inductive où on part de quelques unités pour tenter une généralisation (le monde de la politique, c'est tous des corrompus ! le monde économique, c'est tous des ogres ! le monde des jeunes, quand on voit tous ces « tags » …)
Le monde pluraliste, le pluralisme
Le pluralisme (mot utilisé vers 1900) est avant tout une philosophie, une doctrine suivant laquelle les etres sont multiples, individuels et ne dépendent pas d'une réalité absolue. On est donc en présence d'un courant de pensée qui veut dissocier la réalité absolue (en l'occurrence Dieu) de l'individuel et rendre ainsi l'individu « seul maître à son bord ».
Aujourd'hui, quand on parle d'un « monde pluraliste », on pense d'abord à des personnes qui ont fait leur marché dans le magasin de philosophie, de théologie, de relaxation psychosensorielle, et qui font un peu leur propre « menu » à la carte, en mêlant un peu de zen avec du bouddhisme et une certaine philosophie chrétienne (purgée de sa morale restrictive !). Le monde pluraliste ? des gens qui n'ont pas beaucoup de fils conducteurs, ou qui en ont tellement que cela ressemble à un patchwork d'idées ! Et on se console en se disant que, derrière tout cela, ces personnes sont quand même en attente ou en recherche de quelque chose !
Un monde pluraliste est en quelque sorte gênant car il donne l'impression de ne jamais prendre en bloc un système de pensée complet. On ne peut donc que se méfier de ceux qui se revendiquent de l'école pluraliste car ce ne sont pas des alliés « fidèles ».
La foi
Quoi de plus vaste et de plus étrange que ce petit mot de trois lettres ! Savez-vous que le « petit Robert » donne deux sens au mot foi ? Le premier sens est appelé objectif : c'est l'assurance donnée d'être fidèle à sa parole, d'accomplir exactement ce que l'on a promis (l'expression encore couramment utilisée est : « sous la foi du serment … ») La foi est donc ici synonyme de : engagement, promesse, serment. Le deuxième sens est appelé subjectif : une première définition dit que c'est le fait de croire quelqu'un, d'avoir confiance en quelque chose (cette personne est digne de foi …). Vient ensuite une deuxième définition qui parle de la confiance absolue en quelqu'un ou en quelque chose (tu a remarqué sa foi en l'avenir, il fallait avoir foi en lui pour oser lui confier tel travail, …) C'est dans la troisième définition qui dit de la foi que c'est le fait de croire en Dieu par une adhésion profonde de l'esprit et du cœur qui emporte la certitude.
On peut donc dire que la foi est un sentiment (ou une valeur) :
essentiellement humain. éminemment relationnel (foi en quelqu'un, en quelque chose) fondamentalement temporel (ma foi d'hier, d'aujourd'hui et de demain n'est pas la même). constamment en combat avec le doute.
Dès lors, on peut avoir quatre attitudes par rapport au mot « foi » suivant les expériences vitales qu'on en fait : On peut se défier de sa foi (c'est trop lourd à porter, je n'ai plus aucune confiance en ma foi en Dieu, je rejette ma foi) On peut de méfier de sa foi (tout n'est pas clair en moi, il y a des hiatus entre ce que je crois et ce que vis) On peut se fier en sa foi (grâce à ma foi, j'ai pu passer des épreuves bien lourdes qui me pesaient lourdement sur les épaules) On peut se confier en sa foi (Don Bosco croyait dur comme fer que sa foi en Marie lui avait permis de réaliser tant de choses, si vous aviez une foi comme un grain de moutarde, …)
Ce petit tour étymologique de ces trois mots (foi, monde et pluralisme) fait apparaître qu'aucun des trois ne peut etre parfaitement circonscris ! Et donc, si je veux vous parler de « la foi dans un monde pluraliste », je suis devant trois champs de réalité qui s'interpénètrent de manière unique pour chacun de nous.
Je vous invite dès lors à faire ce petit exercice individuel que nous allons ensuite partager ensemble et qui consiste à se pencher sur ces trois mots :
Quand je pense au mot « monde », je pense concrètement à qui ? à quoi ?
Quand je dis que ce monde-là est « pluraliste », qu'est-ce que je veux dire ?
Quand je parle de ma « foi », qu'est-ce que je crois fondamentalement ? Qu'est-ce qui est doute en moi ? Y-a-t-il des choses qui me « restent dans la gorge » ?
Père André Penninckx sdb
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