10 avril 2015

Ressusciter

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C'est une étrange expérience que d'aller au cimetière rendre visite à quelqu'un qu'on a aimé. Cela commence par une promenade douce et nonchalante, presque rêveuse, jusqu'à cet instant où il n'est plus possible de faire un seul pas en avant et où on se trouve devant une pierre tombale comme devant un obstacle infranchissable.
 
On s'apprêtait à rencontrer quelqu'un et il n'y a personne, il n'y a même plus rien, comme si la terre était plate et qu'on en avait par distraction atteint une bordure. Je me sens devant la tombe de mon père comme devant un mur, au fond d'une impasse.
 
Il ne me reste plus qu'à lancer mon cœur par-dessus, comme font les enfants quand ils jettent un ballon par-dessus un mur d'enceinte, pour le plaisir un peu anxieux, en allant le rechercher, de pénétrer dans une propriété inconnue. J'ignore sur quel gravier rebondit mon cœur quand je le lance par-dessus une tombe plus haute que le ciel, mais je sais que ce geste n'est pas vain : au bout de quelques secondes il me revient, empli de joie et aussi frais que le cœur d'un moineau nouveau-né.
 
Christian Bobin, Ressusciter.
 
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09 avril 2015

N'aie pas peur !

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N'aie pas peur !
Je te délivre, je t'appelle par ton nom.
Tu es à moi !
Lorsque tu traverses les fleuves 
Je reste près de toi :
Aucun courant ne pourra t'emporter !
Lorsque tu traverses le feu
Je reste près de toi :
Aucune flamme ne pourra t'atteindre.
N'aie pas peur,
Je demeure avec toi.
 
(D'après Isaïe 43)
Charles Singer - Prier en famille
 
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08 avril 2015

PARDON

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Pardon pour cette fille que l'on a fait pleurer
Pardon pour ce regard que l'on quitte en riant
Pardon pour ce visage qu'une larme a changé
Pardon pour ces maisons où quelqu'un nous attend
Et puis pour tous ces mots que l'on dit mots d'amour
Et que nous employons en guise de monnaie
Et pour tous les serments qui meurent au petit jour
Pardon pour les jamais
Pardon pour les toujours.
 
Pardon de ne plus voir les choses comme elles sont
Pardon d'avoir voulu oublier nos vingt ans
Pardon d'avoir laissé s'oublier nos leçons
Pardon de renoncer à nos renoncements
Et puis de se terrer au milieu de sa vie
Et puis de préférer le salaire de Judas
Pardon pour l'amitié
Pardon pour les amis.
 
Pardon pour ces hameaux qui ne chantent jamais
Pardon pour les villages que l'on a oubliés
Pardon pour les cités où nul ne se connaît
Pardons d'être de ceux qui se foutent de tout
Et de ne pas avoir chaque jour essayé
Et puis pardon encore
Et puis pardon surtout
De ne jamais savoir
Qui doit nous pardonner.
 
Jacques Brel (1957)
 
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07 avril 2015

Parler sa propre parole

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Ce n'est pas vrai qu'on fait autorité parce qu'on est intelligent, parce qu'on connaît beaucoup de choses, parce qu'on sait parler, parce qu'on a des certificats.  Je connais des gens simples qui n'ont pas de diplômes, pas d'éloquence et qui font autorité parce qu'ils parlent leur propre parole. Peu importe alors qu'elle soit balbutiante.  Et je connais des gens couverts de titres, pour qui je n'aurai jamais le moindre respect, la moindre obéissance, parce que leur parole est empruntée, parce qu'ils l'ont volée, parce qu'ils récitent leur leçon comme des perroquets.
 
Les jeunes, dit-on, ne veulent plus rien entendre.  L'autorité n'est plus ce qu'elle était.  Qu'est-ce que cela veut dire?  Nous sommes-nous suffisamment interrogés sur notre propre parole?  Nous n'avons aucun droit à l'autorité.  Ce n'est pas parce que je suis "ton père" ou "ta mère" ou "Monsieur le Curé" ou "Monseigneur" ou "Monsieur le professeur" que j'ai droit à l'autorité.  Je serai obéi, suivi, contesté peut-être, mais respecté, si je livre ma propre parole et si mon autorité guérit, c'est-à-dire délivre au lieu d'enchaîner.  On demande des guérisseurs.  Pas des kidnappeurs d'âmes ni des détrousseurs de personnalité comme il en court beaucoup aujourd'hui.  Des guérisseurs.  Des hommes et des femmes qui font autorité.
 
Gabriel Ringlet
Éloge de la fragilité
 
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06 avril 2015

Recommencer

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Il en est des choses et des gens comme il en est de tout.
Il est des choses qui s’en vont,
il est des mondes qui meurent, c’est la loi, c’est la vie !
On en met pas une pièce neuve sur un vieil habit, il craquerait...
On ne met pas du vin nouveau dans de vieux tonneaux, ils craqueraient aussi.
Le vieux monde s’en est allé, le vieux monde a craqué.
Il ne supportait plus le neuf, il ne pouvait contenir le vin nouveau.

Pâques est parti de là !
C’est comme un coup d’envoi pour un nouveau départ,
c’est comme un trait tiré sur le vieux monde,
une piste nouvelle qui s’ouvre dans la poudreuse,
avec toi, avec moi, avec nous pour continuer la piste jusqu’au bout... Jusqu’au bout !

Pâques c’est un monde qui vient de craquer comme un bourgeon qui explose.
Que reste-t-il du bouton qui enfermait la fleur ?
Rien, presque rien, sinon une corolle qui appelle les fruits.

Pâques c’est un habit d’arlequin, de trouvère et de baladin,
qui ferait d’un épouvantail un prince des champs et des jardins !

Pâques c’est un homme... plus qu’un homme...
un Dieu qui taille une brèche au plus fort du rocher
pour ouvrir un passage pour un ailleurs, là-bas... plus loin...

Pâques, c’est Jésus qui fait l’impasse sur la mort.
Torturé, cloué, enterré, gardé et scellé dans un tombeau.
Il suffit d’un matin et la Parole court... court...
et n’en finit plus de courir de commencement en commencement. 
Tant que tu seras là pour la porter avec nous, Pâques ne sera jamais fini.
Tout peut sans cesse recommencer !
 
Robert Riber
 
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