21 avril 2014

SI DIEU OUBLIAIT

en hommage à Garcia Marquez décédé ce vendredi 18 avril...

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« Si Dieu oubliait un court instant que je ne suis qu’une marionnette de chiffon et me donnait un bout de vie, je profiterais de ce délai le plus que je pourrais. Je ne dirais sans doute pas tout ce que je pense, mais en définitive je penserais tout ce que je dis. Je donnerais du prix aux choses, non pour ce qu’elles valent, mais pour ce qu’elles signifient.
 
Je dormirais peu, rêverais plus, car j’ai compris que chaque minute où nous fermons les yeux, nous perdons soixante secondes de lumière. Je marcherais quand les autres s’arrêtent, me réveillerais quand les autres dorment. Si Dieu m’offrait un bout de vie, je m’habillerais simplement, je m’étendrais sur le sol, mettant à découvert non seulement mon corps mais aussi mon âme. Je montrerais aux hommes combien ils se trompent en pensant que l’on cesse de tomber amoureux ! A un enfant je donnerais des ailes, mais je le laisserais apprendre à voler seul. Aux vieux j’enseignerais que la mort ne vient pas avec la vieillesse mais avec l’oubli.
 
J’ai appris tant de chose de vous, les hommes…J’ai appris que tout le monde veut vivre en haut de la montagne sans savoir que le vrai bonheur réside en la manière de l’escalader. J’ai appris que quand un nouveau né attrape pour la première fois le doigt de son père dans son petit poing, il vient de l’attraper pour toujours. J’ai appris qu’un homme n’a pas le droit d’en regarder un autre de haut que lorsqu’il peut l’aider à se relever. Elles sont très, nombreuses les choses que j’ai apprises de vous, mais en fait beaucoup ne me serviront pas, car quand vous me regardez dans cette boîte, malheureusement je serai mort.
 
Dis toujours ce que tu sens et fais ce que tu penses.
 
Si je savais qu’aujourd’hui est la dernière fois que je vais te voir dormir, je t’embrasserais de toutes mes forces et prierais le Seigneur pour pouvoir être le gardien de ton âme. Si je savais que se sont les dernières minutes que je te vois je dirais « Je t’aime » sans me demander bêtement que tu le sais déjà. Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne d’autres occasions de bien faire les choses, mais si je me trompe et qu’aujourd’hui est tout ce qui nous reste, j’aimerais te dire combien je t’aime et que jamais je ne t’oublierai.
 
Demain n’est garanti pour personne, jeune ou vieux. Aujourd’hui peut-être la dernière fois que tu vois ceux que tu aimes. Pour cela, n’attends pas trop, fais-le maintenant, parce que si demain ne vient jamais, tu regretteras le jour où tu n’as pas pris le temps pour un sourire, une accolade, un baiser, ou tu étais trop occupé pour leur accorder un dernier souhait. Garde ceux que tu aimes près de toi, dis-leur à l’oreille combien tu as besoin d’eux et traite-les bien, prends le temps de leur dire « pardon », « excuse-moi », « s’il-vous-plaît », « merci » et tous les mots d’amour que tu connais. Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. Demande au Seigneur la force et la sagesse pour les exprimer. Montre à tes amis et à ceux que tu aimes combien ils comptent pour toi.
 
Gabriel Garcia MARQUEZ
(sans doute un de ces derniers textes qu'il écrivit et envoya à ses amis lorsqu’il se retira de la vie publique des suites de sa maladie.)
 
 

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