28 novembre 2007

Eloge de la faiblesse

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 C’est le premier jour du printemps 1999, mais tout est gris et calme dans les rues de Rome. La Communauté de S. Egidio nous a invitées à une célébration solennelle: c’est  aujourd’hui que naissent Les Amis, un groupe de cinq cent handicapés environ qui se définissent comme ‘la liesse du monde’. Ils se sont rassemblés dans un théâtre tout en couleurs et ils font la fête toute l’après-­midi en s’appelant par leur nom, en chantant des chansons connues. On dirait qu’ils sont heureux. Ils sentent qu’ici on les considère comme des personnes, malgré leur différence. A la fin de cette réunion, ils lisent lentement leur carte d’identité qui est aussi une déclaration d’intentions.  Ils disent entre autres « Nous avons une grande envie de faire la fête et de changer le monde.   Commençons par nos villes. Construisons une ville sans barrières et sans murs entre les personnes, où chacun écoute l’autre, car il n’y a pas de hâte. C’est la ville amie. C’est « la ville des Amis ». La déclaration est indirectement une demande de  citoyenneté de la part de ceux qui sont plus faibles et qui ont   besoin d’une insertion douce pour exprimer toutes les possibilités, souvent considérées de deuxième zone, qu’ils cachent en eux. Un jour, il n’y a pas si longtemps, Tonino Bello, l’évêque au tablier, a fait une découverte semblable en Amérique Latine. Il était à Bariloche, centre touristique de la haute bourgeoisie argentine, pour comprendre ce que le Pape voulait dire quand il affirmait que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. 

L’évêque a donc laissé derrière lui les villas luxueuses, les hôtels à cinq étoiles et s’est fait conduire vers la banlieue où il y avait des taudis, de la boue et de la misère. Accompagné par une fillette, il est entré dans une baraque où il a trouvé désolation et affreuse misère. Une femme tenait dans ses bras un enfant endormi et en avait cinq autres autour d’elle. 

 « Sur le feu bouillait une casserole de fèves — raconte l’évêque —. Dans un coin, deux chaises dépaillées. Par terre un large grabat. Suspendue à une corde, la dernière lessive. Ma curiosité fut attirée par un livre ouvert sur la table, à côté d’une pile d’assiettes et de bols.    C’était l‘Évangile.  J’eus un frémissement d’émotion. J’avais l’impression d’être entré chez un de mes proches et j’essayai de dire à cette femme: « Je suis très heureux que vous lisiez l‘Evangile ».  A ce moment-là elle, qui était restée en silence jusqu’alors, ouvrit la bouche et murmura avec une toute petite voix qui m’est entrée dans l’âme et qui n’en est plus jamais sortie “L’unica esperanza para  nuestra pobreza”, c’est notre unique espoir dans notre pauvreté. 

Le mystère de la souffrance a été déclaré par les Béatitudes une carte d’appartenance à la citoyenneté évangélique et c’est une carte de reconnaissance encore valable aujourd'hui.

 


 

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