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Si « nous partageons notre pain avec celui qui a faim, si nous recueillons chez nous le malheureux sans abri, si nous couvrons celui que nous verrons sans vêtement, bref : si nous ne nous dérobons pas à notre semblable » (1ère lect.), mais si nous nous mettons gratuitement « et de bon cœur » à son service au nom de sa dignité d'homme, tous sans exception reconnaîtront la bonté de notre action, et par le fait même, la preuve de l'objectivité des valeurs sera faite. Aucun individualisme, aussi absolu soit-il, ne parviendra à déraciner de nos cœurs la conviction que le visage de l'autre, éclairé par la lumière intérieure de sa conscience, son regard illuminé par la flamme de son esprit, m'obligent envers lui. Je ne peux me soustraire à son interpellation sans étouffer l'appel intérieur qui résonne en mon cœur. Refuser de servir c'est choisir les ténèbres, le remord, la tristesse ; consentir à l'appel c'est laisser « jaillir la lumière », qui « se lèvera dans les ténèbres, de sorte que notre obscurité sera comme la lumière de midi » (Ibid.).
« Je prends aujourd'hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui » (Dt 30, 19-20). Hélas, depuis que le péché nous a dominés, le chemin de la charité est trop dur pour nous. L'inertie de la chair nous entraîne irrésistiblement vers le repli individualiste, égoïste et mortifère. Mais c'est « en ne voulant rien connaître d'autre que Jésus-Christ, le Messie crucifié » (2ème lect.), en nous appuyant sur lui de tout le poids de notre faiblesse et en lui confiant toutes nos peurs, que nous permettons à « l'Esprit de manifester sa puissance » en nous donnant la force de poser des actes de charité concrète qui témoignent à la face du monde que notre foi n'est pas une idéologie, mais qu'elle repose sur « la puissance de Dieu » (Ibid.) à l'œuvre dans nos vies.
En ces temps où nos contemporains écoutent plus volontiers les témoins que les Maîtres, nous avons à faire un examen de conscience sur la manière dont nous vivons l'Evangile. Impressionnés, apeurés peut-être, par les critiques acerbes dont nous faisons l'objet en tant que chrétiens, redoutant la mise à l'écart voire l'exclusion, nous sommes tentés de mettre « la lampe » de notre baptême et de notre foi « sous le boisseau ». A force de compromis avec les nouvelles propositions religieuses qui nous assaillent de toutes parts, et pour éviter d'être taxés « d'intolérance », nous avons peut-être laissé se dénaturer notre foi, si bien que le sel de l'Evangile du salut se trouve enfoui sous des alluvions qui l'étouffent et le stérilisent.
Mais qu'importent nos faux pas du passé ? Aujourd'hui le Seigneur nous appelle : demain est à construire et il veut avoir besoin de nous. Et si nous demeurons encore prisonniers de nos peurs passées, le prophète Isaïe nous enseigne ce que nous avons à faire : « Si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : "Me voici" » (1ère lect.). Plongeons donc notre regard dans le sien ; laissons-nous saisir par la beauté de son appel. Qu'il éveille en nous le désir de faire le bien gratuitement, et que « le cœur ferme, nous appuyant sur le Seigneur » (Ps 111), nous partagions à pleine main avec chacun ce dont il a besoin. « Alors ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi » (1ère lect.) ; alors en voyant ce que nous faisons de bien, les hommes oublieront leurs critiques, ils renonceront à leurs idéologies réductrices, et ils rendront gloire à notre Père qui est aux cieux », d'avoir donné aux hommes une telle puissance d'aimer, capable de changer la face de la terre.
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