L'ESPRIT SALÉSIEN ET L'INTÉRIORITÉ   


J'ai cru comprendre , d'après Jean-François, que l'an dernier, vous aviez réfléchi sur « l'être » et  le « faire ». Notre propos de ce matin voudrait tout simplement, dans la ligne du R.V.A. et des actes du Congrès de Séville, nous centrer sur l'essentiel, sur Dieu , son message. Dans le R.V.A. au n°40 - la promesse - est cité en exergue un passage du psaume 119 :

« Je cours sur la voie de tes commandements, car tu as mis mon cœur au large »

« Tu as mis mon cœur au large »..

St. François de Sales ne nous invite-t-il pas à vivre le cœur au large ? le cœur dilaté, « que rien ne te trouble » et Don Bosco nous rappelle qu'il faut servir le Seigneur dans la simplicité et l'allégresse, savoir se faire aimer, vivre en intimité avec le Seigneur. et Marie-Dominique nous dit « Un cœur joyeux est le signe d'un cœur qui aime le Seigneur ».

Nous voyons d'emblée que le terme intériorité ne signifie en rien attitude compassée ou trop sérieuse mais au contraire nous invite à vivre pleinement, à vivre dans la joie.
A l'homme, au jeune d'aujourd'hui qui est en train de construire son projet de vie, la culture ambiante offre presque toujours une tentation qui peut prendre deux formes :

- vouloir se réaliser sans Dieu : ce qui est le cas de beaucoup de nos contemporains ; de nos jeunes contemporains. Dans leur projet de vie Dieu ne trouve pas la moindre place, il reste pour eux un inconnu ou un personnage sans intérêt ou qui ne sert à rien …(réflexion de jeunes « Dieu.. à quoi ça sert ? à quoi ça sert de croire ?..) Nous sentons de suite le sentiment d'utilité, de rentabilité qui marque profondément nos sociétés.
- vouloir se réaliser en utilisant Dieu : d'autres le connaissent un peu mais en font une idole ; consciemment ou non, ils tentent de domestiquer Dieu, de le mettre au service de leur projet à l'imitation, d'ailleurs, des deux frères Jacques et Jean (avant leur conversion…) « Seigneur, accorde-nous de siéger, l'un à ta droite, l'autre à ta gauche dans ton royaume » ce qui revient à dire « Accorde-nous d'être tes premiers ministres »!

(cette tentation peut aussi nous arriver…)

Le vrai croyant refuse le plus possible l'une et l'autre de ces tentations : il comprend que l'unique solution est de vouloir se réaliser avec Dieu et selon Dieu en acceptant non de se servir de Dieu, mais de servir Dieu. Il comprend que la réussite la plus profonde et sûre de sa vie consiste à insérer son projet dans celui de Dieu.

Le Père Aubry, dans son livre «  Don Bosco vers l'an deux mille » se dit avoir été frappé de l'usage fréquent que Don Bosco fait du concept de « coopération » exprimé à travers divers vocables : coopérateurs, coadjuteurs , coopérer, collaborer, travailler avec et…il utilise ce terme en divers contextes : coopération des membres de la famille Salésienne entre eux mais aussi coopération avec Dieu.

A travers l'usage privilégié de ce concept, continue-t-il, il révèle spontanément quelque chose de son âme profonde et de l'idéal qu'il propose à qui veut être son disciple. Homme d'action, il veut travailler et réaliser mais pas tout seul, travailler avec Dieu et il cherche en ce travail des collaborateurs, des personnes qui acceptent de travailler avec Don Bosco.

Ce mot, coopérateur, est chargé de valeur doctrinale et spirituelle et capable de fonder la mystique dont a besoin le coopérateur pour réaliser avec joie sa vocation salésienne.
A la base de toute foi authentique et de tout engagement apostolique, il y a la découverte du « Dieu vivant et vrai » que Jésus est venu nous révéler : le Dieu Père, abîme d'amour, celui que St. Jean a défini « agapè » c'est à dire amour totalement gratuit et inventif ;non seulement, Dieu a un grand amour mais il est Amour… et nous sommes appelés à être les coopérateurs de ce Dieu d'amour comme Marie l'a été, elle qui a été la plus sensationnelle coopératrice de Dieu, puisqu'elle a donné chair à la Parole, au Verbe, au Fils ce dont nous sommes appelés nous aussi. Pour Don Bosco Marie n'est pas une idée, pas même un idéal ;elle est une présence vivante, proche, efficace, une aide  « l'auxiliatrice ».

Art.27 &2 Le Coopérateur perçoit Dieu comme Père et comme Amour qui sauve. Dans la Christ Jésus, il rencontre le Fils unique et l'Apôtre parfait du Père, le Bon Pasteur plein de sollicitude pour les petits et les malheureux, le Ressuscité qui est avec nous «  tous les jours » comme Seigneur de l'histoire. Il vit dans l'intimité de l'Esprit-Saint, l'animateur du Peuple de Dieu dans le monde. En Marie, il vénère celle « qui a coopéré d'une manière absolument unique à l'œuvre du Sauveur » et ne cesse d'apporter sa coopération de Mère et d'Auxiliatrice du peuple chrétien. Il se sent membre vivant de l'Eglise, Corps du Christ, centre de communion de toutes les forces qui travaillent au salut du monde.
Le Concile, dont nous avons fêté les 40 ans, nous le redit clairement . Dans l'Eglise, tous les membres sans exception, sont appelés à coopérer activement à l'entreprise divine du salut. Tout laïc, en vertu des dons qui lui ont été faits, est constitué témoin et instrument vivant de la mission de l'Eglise elle-même.(L.Gent. 33 b)

Pour être vraiment coopérateur, de Dieu, du Christ, il nous faut vivre en sa présence, recevoir de Lui son Esprit de lumière et d'amour. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure , celui-là porte beaucoup de fruit » C'est à chacun de nous que cette parole s'adresse.

Je lisais dernièrement un article sur Madeleine Delbrel (cette femme qui est née et a vécu à Paris entre 1904 et 1964, dans un faubourg ouvrier vivant une existence semblable à celle des gens des rues )

Je cite : «  Elle a su demeurer dans l'espace de son âme qui ne l'exilait pas de la terre mais la rendait plus que jamais partie prenante de la vie des autres ».

On a écrit à son sujet : « Madeleine savait donner à tous son attention, son temps et son amour : aux plus pauvres et aux moins pauvres ». Devant le lait qui bouillait, la salade à laver, la sonnerie du téléphone et les autres petites occupations de chaque jour, elle savait transfigurer le quotidien par une pensée intérieure …Dans le métro, en regardant les gens qui, comme elle, allaient au travail, elle arrivait à trouver dans son cœur la prière vers Dieu dont elle voulait être la transparence. « Passe, Seigneur-priait-elle silencieusement- mes yeux, mes mains, ma bouche sont à toi. Cette femme si triste devant moi, voici mes lèvres pour que tu lui souries. Cet enfant si gris, à force d'être pâle : voici mes yeux pour que tu le regardes. Cet homme si las, si fatigué : voici tout mon corps pour que tu lui donnes ma place et ma voix pour que tu lui dises tout doucement : « Assieds-toi » Ce garçon si plein de lui-même, si sot, si dur : prends mon cœur pour l'aimer plus fort qu'il ne l'a jamais été »

Son secret ? sa capacité de concentration et d'intériorité. Même au milieu de mille occupations, elle disait : « J'ai refusé de sauter d'une activité à une autre sans avoir, entre les deux, le temps de penser et de prier : ceci m'a évité les engrenages aveuglants »

Lorsque nous pensons à Don Bosco et Marie-Dominique, nous retrouvons cette même intériorité. Lors du procès de canonisation de Don Bosco, à la question :  « Mais quand Don Bosco priait-il donc ? » il fut répondu : «  Mais quand ne priait-il donc pas ? » et Marie-Dominique s'accusait d'être restée un quart d'heure sans penser à Dieu et que de fois n'a-t-elle pas recommandé, ce que l'on appelait les oraisons jaculatoires, ces petites étincelles d'amour qui montent vers Dieu à longueur de journée et en toute occasion ?

Cette intériorité, n'est-ce pas s'alimenter constamment à cette source intérieure qui nous habite ?

En ce temps pascal, il est bon de nous rappeler que le Christ ressuscité chemine avec nous, qu'il nous rejoint sur notre route mais comme les disciples, il nous arrive bien souvent de ne pas le reconnaître car nous ne sommes pas toujours «  chez nous ».

Cette intériorité donne sens à notre action. Don Pascual Chavez dans son commentaire de l'étrenne de cette année nous dit : « La spiritualité, en effet, est la source du sens, le dynamisme avec lequel se vit la foi ; c'est l'option fondamentale, la finalité qui oriente toute notre vie, qui lui donne l'unité ; la pratique quotidienne en est la concrétisation dans l'action, le banc d'essai de nos motivations et de notre option de vie. Dans notre cas, continue-t-il, la spiritualité a toujours comme centre l'amour, celui de Dieu répandu dans nos cœurs et celui qui émane de nos cœurs et s'authentifie dans le service d'autrui ».

Dans la défi n°1 des actes du Congrès de Séville, il vous est demandé d'approfondir et d'assumer la relation qui existe entre le sens personnel de la vocation du Coopérateur et le sens d'appartenance à l'Association et, dans les lignes d'action, il est mentionné d'encourager le renouvellement de la promesse comme ligne de fond du sentiment d'appartenance à l'association .

Approfondir la relation qui existe entre le sens personnel de la vocation et le sens d'appartenance :.Pour vivre ce sens d'appartenance, il est, en effet tout d'abord indispensable d'avoir creusé ce sens personnel de la vocation et cela, nous n'avons jamais fini de le faire. Nous avons à le vivre dans cette intériorité dont nous avons parlé et notre action, comme nous le dit le Recteur Majeur, découle de cette source ainsi que le sens de notre appartenance.

L'article 19 du R.V.A. le souligne :

« &1- La commune vocation et l'appartenance à une même Association font des Coopérateurs autant de frères et de sœurs spirituels. « N'ayant qu'un cœur et qu'une âme » ils vivent dans la communion fraternelle, unis par les liens caractéristiques de l'esprit de Don Bosco.


&2- Tous participent avec joie à la « vie de famille » de l' Association, pour mieux se connaître, partager expériences et projets apostoliques et grandir ensemble.

&3 - Ils s'aident mutuellement aussi par l'échange des biens spirituels, en particulier par la prière …

Ce sens d'appartenance, très présent dans les défis à relever du Congrès de Séville a été également souligné par le Recteur Majeur lors de la rencontre avec laïcs et religieux à Lyon.

Je le cite : « ..Une des choses les plus belles est de constater la conscience grandissante que nous sommes une Famille, que nous devons nous connaître et nous former pour travailler ensemble…Il continue citant la charte de communion de la Famille salésienne  « Don Bosco unifie, grâce à l'énergie de son charisme, dans l'harmonie d'une unique famille apostolique, le religieux, le laïc, celui qui est marié, le veuf, le célibataire, le prêtre, en témoignant différemment de l'esprit des béatitudes. La communion reste donc toujours le but unique de la famille Salésienne pour vivre ses valeurs avec la plus grande intensité. »

Il termine son message en nous laissant trois mots d'ordre ;

Le premier est grandir : croître, non seulement parce qu'il est beau d'être nombreux, mais parce que Don Bosco pensait à tous les jeunes du monde et croître en qualité parce que nous savons que Jésus nous a comparés au sel, à la lumière, au levain et que nous avons une tâche spécifique à remplir, sans quoi, ils ne servent à rien ! Donc grandir !

Le deuxième mot est celui de l'union. Il nous rappelle alors la comparaison prise par Jésus du grain de moutarde, le plus petit de toutes les semences mais, semé en terre, grandit et devient un arbre. Il continue en disant …Il arrive qu'il y ait au contraire dans l'Eglise et dans la Famille Salésienne tant de groupes, sans aucun contact, qui ressemblent à un champ de champignons, sans racines, sans tronc commun, sans branches et donc sans fruits. Nous devons nous connaître, nous aimer, et nous former ensemble.

Enfin , le troisième mot est celui de créer de la synergie. Don Bosco disait qu'un fil est très faible et peut facilement se rompre, mais si nous le tressons avec un autre, puis encore un autre, il devient une corde très forte qu'on peut difficilement rompre. Nous aussi, nous pouvons peu quand nous sommes seuls, mais si nous travaillons ensemble dans le territoire nous devenons plus significatifs et plu s efficaces….

Alors, sans crainte allons de l'avant. Le Christ Ressuscité demeure toujours avec nous et il nous invite à avancer au large…


Le cœur à l'ouvrage  La joie de naître  L'esprit salésien et la communion des frères 
L'esprit salésien et la mission L'esprit salésien et l'intériorité Etrenne 2005  Colportages 

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