Si tu savais le don de Dieu ! Il est une créature qui connut ce don de Dieu, qui n'en perdit pas une parcelle, une créature qui fut si pure, si lumineuse qu'elle semble être la lumière elle-même : " Speculum justitiae " ; une créature dont la vie fut si simple, si perdue en Dieu que l'on ne peut presque rien en dire : " Virgo fidelis ", c'est la Vierge fidèle, celle qui " gardait toutes choses en son cœur ". Elle se tenait si petite, si recueillie en face de Dieu, dans le secret du temple, qu'elle attira les complaisances de la Trinité sainte.

Parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante, désormais toutes les générations m'appelleront bienheureuse !... Le Père, se penchant vers cette créature si belle, si ignorante de sa beauté, voulut qu'elle fût dans le temps la Mère de celui dont il est le Père dans l'éternité ; alors l'Esprit d'amour qui préside à toutes les opérations de Dieu survint, la Vierge dit son " Fiat " : " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ", et le plus grand des mystères fut accompli, et par la descente du Verbe en
elle, Marie fut toujours la proie de Dieu.

Il me semble que l'attitude de la Vierge durant les mois qui s'écoulèrent entre l'Annonciation et la Nativité est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au dedans, au fond de l'abîme sans fond. Dans quelle paix, quel recueillement Marie se rendait et se prêtait à toutes choses ! Comme celles qui étaient les plus banales étaient divinisées par elle, - car à travers tout, la Vierge restait l'adorante du don de Dieu, - cela ne l'empêchait pas de se dépenser au
dehors lorsqu'il s'agissait d'exercer la charité ; l'Evangile nous dit que " Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée pour se rendre chez sa cousine Elisabeth ". Jamais la vision ineffable qu'elle contemplait en elle-même ne diminua sa charité extérieure, car si la " contemplation s'en va vers la louange et vers l'éternité de son Seigneur, elle possède l'unité et ne la perdra pas. "

[…]

Marie, son âme est si simple, les mouvements en sont si profonds que l'on ne peut les surprendre ; elle semble reproduire sur la terre cette vie
qui est celle de l'Etre divin, l'Etre simple. Aussi, est-elle si transparente, si lumineuse, qu'on la prendrait pour la lumière. Pourtant elle n'est que " miroir du Soleil de justice. Speculum justitiae "... Plus qu'aucune autre sainte, elle me semble imitable, sa vie était si simple !

[…]

Rien qu'à la regarder, je me sens apaisée.

" La Vierge conservait ces choses en son cœur. " Toute son histoire peut se résumer en ces quelques mots ; c'est en son cœur qu'elle vécut, et en une telle profondeur que le regard humain ne peut la suivre.

Quand je lis dans l'Evangile que " Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée " pour aller remplir son office de charité près de sa cousine Elisabeth, je la vois passer belle, calme,
majestueuse, recueillie au dedans, avec le Verbe de Dieu ! Comme lui, sa prière fut toujours celle-ci : ! Ecce ! Me voici ! - Qui ? - La servante du Seigneur, la dernière de ses créatures, elle, sa Mère ! "

[…]

Il me semble que l'on peut dire que nul n'a pénétré le mystère du Christ en sa profondeur, si ce n'est la Vierge. Saint Paul parle souvent de " l'intelligence " qui lui en a été donnée, et pourtant, comme tous les saints restent dans l'ombre, quand on regarde aux clartés de la Vierge ! Elle, c'est l'inénarrable ! Le secret qu'elle gardait et repassait dans son cœur, nulle langue n'a pu le révéler, nulle plume n'
a pu le traduire. Cette Mère de grâce va former mon âme, afin que sa petite enfant soit une image vivante, saisissante de son premier-né, le Fils de l'Eternel, celui-là qui fut la parfaite louange de la gloire de son Père.

La Vie spirituelle, 1928.

 

Sœur Elisabeth de la Trinité (1880-1906)

Marie, modèle des âmes intérieures