Être « chrétien et citoyen » dans un monde qui évolue, est-ce possible? (1) (11 octobre 2010)

Intervention de Sœur Catherine FINO fma dans le cadre du 2ème Congrès de l'éducation salésienne dont le thème était: "le système préventif dans un monde sécularisé".   (Lyon - novembre 2000)

 

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REGARD sur St FRANCOIS DE SALES

Nous allons porter notre regard sur quelqu’un dont don Bosco s’est inspiré, non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan éducatif: Saint François de Sales.

 

1ère partie :

Être « chrétien et citoyen » dans un monde qui évolue, est-ce possible?

Le contexte où vit François de Sales se rapproche déjà du nôtre. Bien sûr, il ne connaît pas encore la sécularisation des sociétés européennes, mais on voit apparaître au XVIIème siècle, une situation nouvelle: l’existence du protestantisme. On ne choisit pas encore de vivre avec ou sans Dieu, mais le spirituel devient pluriel dans la société.  Et ça se vit mal sur le plan politique, même avant les guerres de religion: Luther est banni de l’empire, il perd toute protection juridique, et il risque sa vie.  Du coup la réflexion s’engage, et Luther propose une séparation entre le domaine de l'Etat (le temporel) et le domaine de l’Église (le spirituel). Vingt ans après, François de Sales écrit en écho, dans un texte sur l’obéissance: «Il faut obéir à tous les supérieurs, à chacun néanmoins en ce en quoi il a autorité sur nous: on ce qui concerne la police et les choses publiques, il faut obéir aux princes; en ce qui regarde l’ordre dans l’Église, aux évêques; dans la famille, au père, ou au maître de maison, ou au mari, quant à la conduite de votre vie chrétienne, au prêtre qui vous accompagne (directeur ou confesseur particulier)».  Belle introduction à la laïcité. Et notons au passage qu' « on ne choisit pas habituellement son prince ou son évêque, ni même souvent son mari, mais on choisit bien son confesseur ou directeur»: le discernement qui existe dans la vie de foi pourra bien être prophétique et formateur dans les autres secteurs.  Il s’agit bien d’un espace de liberté. (IVD III, XI 163).

Comme chrétien, il ne s’agit pas d'être à part: « Non, Philothée, la foi chrétienne ne gâche rien quand elle est vraie, au contraire elle améliore tout. Si elle contrarie les engagements légitimes de quelqu’un, c’est sans doute qu’elle est déformée.  Chacun devient plus agréable (sociable) dans ce qu'il fait en y ajoutant la foi: le soin de la famille en est rendu paisible, l’amour de la femme plus sincère, le service du prince (de l’État) plus fidèle, et toutes sortes d’occupations plus agréables » (IVD I, III 37).  «Bon citoyen et bon chrétien»: pour don Bosco aussi, la foi chrétienne sera une chance pour la bonne citoyenneté d’un jeune.

Il ne s’agit pas de s’accommoder d’un juste milieu, d’être moins chrétien pour tenir aussi son rôle de citoyen, ou à l’inverse, de demissionner de certains secteurs de la vie sociale pour pouvoir accéder à un plus haut niveau de christianisme.  Luther a plaidé pour que tous, clercs ou laïcs, soient reconnus comme chrétiens à part entière.  François de Sales met en acte sa conviction de légale dignité et vocation de tous les chrétiens, quel que soit leur statut social ou ecclésial: « Mon intention est la formation chrétienne de tous ceux qui vivent en ville (pas seulement dans la société traditionnelle rurale; aujourd’hui ce serait la formation de ceux qui vivent à l'heure d'internet et de mondialisation), qui sont mariés, qui sont à la cour (en politique), et qui par leur situation sociale sont obligés d’adopter un certain mode de vie qu’ils pensent incompatible avec la vie chrétienne».  IVD Préface 24. « C’est une hérésie de vouloir exclure de la vie chrétienne les soldats (l’armée), les artisans (les ouvriers, les professionnels) les courtisans des princes (les hommes politiques), les gens mariés (% clercs).  Où que nous soyons, nous pouvons et nous devons aspirer à la vie parfaite.  Il faut accommoder la pratique de la foi aux forces, aux occupations et aux obligations de chacun».  IVD 1, 1113, 7.  Don Bosco proposera la sainteté aussi aux jeunes émigrés du monde ouvrier au XIXème, et nous aujourd’hui aux jeunes de la société de la mondialisation et de la communication.

Ceci supposera que l’évangélisateur soit créatif pour s’adapter à son public, à la culture de ses interlocuteurs.  Dans une société de conflits politiques et religieux, François inaugurera une nouvelle manière de prendre la parole très simplement, avec un ton souriant, chaleureux, à grand renfort d’exemples, de comparaisons et d'anecdotes tirées du quotidien ou de la Bible (comme les histoires ou les rêves de don Bosco).  Puis il rédigera par écrit ses sermons pour permettre aux habitants de Thonon de les lire chez eux en cachette, enfin.

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