Notre-Dame de l'Annonciation



Instruction salésienne n°2  -  Abbé Cristofoli


Instruction donnée le jeudi 19 octobre 2006
à la maison St. François de Sales



J'ai choisi de vous parler ce soir du vocable sous lequel nous invoquons Notre-Dame au cours de nos petites réunions "Théo Team" : Notre-Dame de l'Annonciation.

Lorsque ce vocable a été adopté, j'ai été un petit peu étonné. Pourquoi avoir préféré Notre-Dame de l'Annonciation à Notre-Dame de la Visitation, davantage dans l'esprit de saint François de Sales ? C'est le nom que ce dernier a donné à la congrégation des sœurs de la Visitation. De plus le fruit du mystère de la Visitation est la charité.

Mais j'ai ensuite relu un sermon de saint François de Sales sur la Visitation, donné à une communauté religieuse. Par son intermédiaire, j'ai mieux saisi le lien indispensable qui unit la charité à l'humilité ; j'espère pouvoir vous le faire comprendre à vous aussi ce soir.

L'Annonciation est un mystère d'abord et avant tout centré sur l'humilité de Notre-Dame, mais aussi sur sa charité, car il ne peut exister de véritable charité sans humilité et inversement. Ce sont deux vertus connexes. L'humilité, c'est savoir prendre sa place et y rester, en servant là où l'on est ; le contraire de l'humilité, l'orgueil, est également  un manquement à la charité, puisque l'on s'attribue des choses, des biens, des créatures ou des affections que l'on ne mérite aucunement.
 
Voici donc un passage de ce sermon :
« Or comme cette sainte amante Notre-Dame aima souverainement ce Divin Epoux, ainsi fut-Elle souverainement aimée de Lui. Car en même tant qu'elle se donna à Lui et Lui consacra tout son amour qui fut lorsqu'elle prononça ses divines paroles : "Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum" : "Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon que vous me dites et selon qu'il Lui plaira." Voilà donc que ce Verbe Divin descendit dans ses entrailles sacrées et se rendit fils de celle qui se dédiait pour être sa servante. »

C'est au moment où Notre-Dame dit qu'elle est la servante du Seigneur qu'Elle fait une œuvre d'humilité ; à cet instant précis se réalise en Elle le mystère de la charité, c'est à dire de l'Incarnation : mystère de Dieu qui nous aime au point de revêtir notre condition et venir ainsi nous sauver. L'humilité de Notre-Dame produit cette union de charité, de dilection, qui commence en ses « entrailles sacrées » par cette intime communion entre le Verbe et Elle. Le modèle de la charité est aussi cette attente du Verbe qu'a porté Notre-Dame neuf mois en son sein.
 
Saint François-de-Sales poursuit :
« Or bien que nous sachions que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré d'amour, ni s'unir si parfaitement à Dieu pour suivre sa divine volonté comme fit Notre Dame, nous ne devons pas laisser pourtant de nous dédier et consacrer à son divin amour avec le plus de perfection qu'il nous sera possible, selon notre capacité, quoi qu'incomparablement moindre que celle de cette Sainte Vierge qui est l'Unique Amante qui a le plus parfaitement aimé le Divin Epoux ; que jamais aucune créature n'a fait ni ne fera, d'autant qu'elle commença à l'aimer dès l'instant de sa très sainte conception, commençant de se dédier à Dieu et de lui dédier son amour dès qu'elle commença à être. »
 
Le lien que décrit saint François de Sales dans ce passage est vraiment celui entre l'humilité de Notre-Dame - par la parole prononcée lors de la visite de l'Archange : « Ecce ancilla Domini » - et la manière d'une part dont elle est comblée de l'Amour Divin, d'autre part dont elle y correspond. Humilité et charité s'accordent donc l'une à l'autre et s'harmonisent. Saint François de Sales le répétait assidûment dans ses sermons aux religieuses de la Visitation, afin de révéler l'indéfectible attachement entre la douceur - un des plus beaux visages de la charité - et l'humilité.

Il écrit, pour ne prendre qu'un exemple, à la bienheureuse Mère de Chantal par ces mots :
« Rien ne nuit à ceux qui sont tout à fait résolus d'aimer Dieu sur toutes choses et en toutes choses. Or votre cœur est tel ma très chère fille, et Dieu le bénisse à jamais, ce cœur là. Et je le tiens toujours dans la très sainte humilité et la douceur intérieure. »
Voici une expression de cette profonde parenté entre humilité et douceur, c'est-à-dire charité.

Il continue :
« L'humilité rend notre cœur doux. En effet, cette vertu est la première et le fondement des autres. Jamais on ne parviendra à la hauteur de la perfection de l'amour de Dieu qu'on ne soit profondément abaissé par l'humilité. Notre Seigneur fait si grand cas de l'humilité qu'il ne fait point de difficulté de permettre que nous tombions dans le péché afin d'en tirer la sainte humilité. »

En quoi Notre-Dame de l'Annonciation est-elle donc un modèle pour nous et pourquoi l'invoquons-nous?   La raison apparaît dès lors évidente : à travers sa sainte humilité, elle permet cette douceur d'âme, cette délicatesse qui fait que nous ne nous mettons pas au centre des choses, mais que nous nous retirons et restons à notre place en servant Dieu là où nous sommes. Vous voyez ainsi à quel point les vertus se rejoignent et la filiation qui les cimente.

«
Notre Seigneur - reprend le saint à l'adresse de Chantal - est si amoureux de l'humilité qu'Il préfèrerait qui nous perdions toutes les autres vertus pour garder celle-ci. »
L'effet oratoire a pour vocation de marquer l'insistance sur le fondement incontournable qu'est l'humilité.

Le fondement de toute la vie spirituelle c'est l'humilité. Celle-ci permet l'amour. Elle permet la charité parce qu'elle nous permet d'être petits ; et lorsque nous sommes petits, nous sommes moins écrasants, moins gonflés de nous-mêmes ; nous devenons plus attentifs, plus délicats, plus prévenants pour notre prochain.
 
« L'humilité et la charité sont les cordes maîtresses, toutes les autres y sont attachées. Il faut seulement se bien maintenir dans ces deux là, l'une est la plus basse, l'autre la plus haute. La conservation de tout l'édifice dépend du fondement et du toit. »

Le plus étonnant finalement est que l'humilité nous ramène à notre petitesse, à notre imperfection, quand la charité nous revêt de sa dignité, par l'élévation de notre âme en esprit et en vérité. Nous pourrions y voir une contradiction : l'une est la plus basse, l'autre est la plus haute, mais en vérité la charité nous aide à aimer vraiment.

Notre Seigneur dans l'Evangile n'attend qu'une chose, c'est d'être en mesure de nous dire : « Mon ami, monte plus haut », autrement dit : « Mon ami, grandis, croîs dans l'amour, croîs dans la vie spirituelle, croîs dans la sainteté. »

Mais pour cela, il faut avoir pris la dernière place.

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