Bienheureux Guerric d'Igny (vers 1080-1157), abbé cistercien

 Sermon pour la Toussaint; PL 85, 205 (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 526 rev.)

 


      
« Heureux les pauvres de cœur puisque le Royaume des cieux est à eux
». Le début du Nouveau Testament est tout à fait joyeux et plein de la
grâce nouvelle ; il provoque même un peu l'incroyant ou le paresseux à
écouter, et plus encore à agir, en promettant le bonheur aux malheureux et
le Royaume des cieux aux exilés, à ceux qui sont dans la détresse. Le début
de la Loi nouvelle est agréable à entendre et commence sous d'heureux
auspices, puisque, dès ce début, le législateur donne tant de bonnes
paroles de béatitude. Ainsi ceux qu
'elles ont attirés marcheront de vertu
en vertu, en montant ces huit marches que l'Évangile a construites et mises
en place dans notre cœur... Car il s'agit, c'est clair, de la montée des
cœurs et du progrès des mérites par huit degrés de vertu, qui conduisent
graduellement l'homme du plus bas aux plus hauts niveaux de la perfection
évangélique. De la sorte il entrera enfin pour voir le Dieu des dieux dans
Sion (Ps 83,8), dans son Temple, dont le prophète a dit : « On y accédait
par huit marches » (Ez 40,37).

 

      La première vertu des débutants est le renoncement au monde, par
lequel nous devenons pauvres de cœur ; la deuxième est la douceur, par
laquelle nous nous soumettons à l'obéissance et nous y habituons ; puis la
douleur avec laquelle nous déplorons nos péchés ou, dans les pleurs,
demandons les vertus. Nous les goûtons, bien sûr, là où nous avions le plus
faim et soif de justice, tant pour nous que pour les autres, et nous
commençons à être animés de zèle contre les pécheurs. Mais pour qu'une
ardeur immodérée ne se change pas en faute, la miséricorde la
suit, par
laquelle elle est tempérée. En s'appliquant et en s'exerçant, quand on aura
appris à être juste et miséricordieux, on sera peut-être capable d'entrer
dans la contemplation et de s'adonner à purifier son cœur afin de voir
Dieu.

« Heureux

les cœurs purs :

ils verront Dieu »