Une pédagogie de la communication

 

Utiliser le langage des personnes auxquelles on s’adresse.
La réputation que l’on fait injustement à François de Sales est son style compliqué. Levons cette ambiguïté.

 

Comment François parlait-il ?

 

Nous l’avons déjà évoqué, François parlait simplement quand il le fallait : les enfants le comprenaient, les adultes se pressant pour écouter un grand orateur qui joue avec les mots (et se joue de l’auditoire) en étaient pour leurs frais. C’est arrivé plus d’une fois lors de prédications. Lorsqu’il s’agissait d’instruire et de prêcher, d’annoncer la Bonne Nouvelle, François s’adaptait à l’auditoire, tout simplement et se refusait à ce que ce soit lui que l’on admire plutôt que le Seigneur.

Reprenons un passage de la lettre à Mgr Frémyot mentionnée dans les pages précédentes.

 

«  … Saint Paul déteste les auditeurs qui veulent qu’on leur chatouille les oreilles (2 Tm 4,3) par conséquent les prédicateurs qui leur veulent complaire. Cela est un pédantisme. Au sortir du sermon je ne voudrais point qu’on dise : Oh qu’il est grand orateur ! Oh qu’il a belle mémoire ! Oh qu’il est savant ! Oh qu’il dit bien ! Mais je voudrais que l’on dise : Oh que la pénitence est belle ! Oh qu’elle est nécessaire ! Mon Dieu, que vous êtes bon et juste ! et semblable chose ; ou que l’auditeur, ayant le cœur saisi, ne puisse témoigner de la suffisance du prédicateur que par l’amendement de sa vie. «  … afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient plus abondamment ! »

… On a beau dire, le cœur parle au cœur et la langue ne parle qu’aux oreilles ».

 

Une forme correcte, bien préparée (et par la prière et par le travail). Il ne s’agit pas de flatter les personnes avec lesquelles nous travaillons « fussent-ils rois, princes et papes » ni nous donner de coups d’encensoirs ! « Nous ne devons pas chercher notre honneur mais celui de Dieu. »

 

Une pédagogie de l’image.

 

Prendre appui sur ce que connaissent les gens, les jeunes, et le développer.

 

Continuons de parcourir la lettre de Mgr Frémyot.

S’il s’agit d’une prédication, d’une catéchèse … sans difficulté tu liras conséquences pour ton enseignement, si tu essaies d’y expliquer l’une ou l’autre technique, si tu animes un groupe …

 

Quelles sont les aides possibles ?

Se servir de l’Ecriture … des Docteurs chrétiens et des livres des saints

… Mais, mon Dieu, y a-t-il rien de si utile, rien de si beau ? Mais aussi, qu’est autre chose la vie des Saints que l’Evangile mis en œuvre ? Il n’y a pas plus de différence entre l’Evangile écrit et la vie des Saints qu’entre une musique notée et une musique chantée.

Et pour les histoires profanes, qu’en est-il ? Elles sont bonnes, mais il s’en faut servir comme l’on fait des champignons, fort peu, pour seulement réveiller l’appétit ; et alors encore faut-il qu’elles soient bien apprêtées. …

 

Et des histoires naturelles ? Très bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de toutes parts cette parole ; toutes ses parties chantent la louange de l’Ouvrier. C’est un livre qui contient la parole de Dieu, mais en langage que chacun n’entend pas.

Mais, surtout que le prédicateur se garde bien de raconter des faux miracles, des histoires ridicules, comme certaines visions tirées de certains auteurs de basse ligne, choses indécentes et qui puisent rendre notre ministère vitupérable ( = qui mérite d’être vivement blâmé) et méprisable.

 

Voilà ce qu’il me semble touchant la matière en gros … »

 

Que peux-tu en tirer ?

 

Bien agencer et organiser le sermon (puisque l’exemple parle de sermon). La transposition ici, est aisée et n’entraîne pas de contresens.

 

Fixe-toi une méthode en fonction de l’objectif poursuivi : communique objectif et méthode aux personnes (adultes ou enfants) avec lesquelles tu travailles. Parfois même les déterminer ensemble est préférable et implique davantage chacun. Précise le sens d’une action, d’une démarche : si on fait ça maintenant, c’est pour aller vers ça.
Choisis soigneusement les mots.
Evite de disperser l’attention sur des controverses inutiles au but visé.
Utilise les comparaisons à bon escient ; dans ce que tu dis, tiens compte des personnes en cause, de leurs intérêts, de leurs capacités.
Reviens souvent au but : « qu’ils aient la vie et l’aient en abondance » !

Choisis des exemples dans ce que connaissent les gens. Les exemples positifs touchent plus que les exemples qu’il faut éviter de suivre ! « Positiver » plutôt que faire peur.
Ajuste le temps de travail aux possibilités des personnes.

La prédication vise l’annonce de la parole de Dieu et notre conversion. Lorsque tu soignes quelqu’un, tu ne prêches pas par ta bouche mais bien par tes mains, ta compétence, ta compassion.

 

Selon ce que nous faisons, appuyer notre parole et notre action sur la Parole de Dieu, sur les exemples de vie des saints, souvent les gens fort ordinaires aux yeux de leurs proches, surtout ceux de chez nous, sur des comparaisons tirées de l’observation de la nature (= les histoires naturelles) … En ne perdant pas de vue le but : qu’ils aient la vie et l’aient en abondance, c’est-à-dire dans toutes les composantes de leur être, dans tout ce qui les fait vivre. La vedette, ce n’est pas nous, c’est Lui, le Seigneur. Or précisément, le Seigneur n’est pas une vedette : Il est le Serviteur. (cf.Jn 13) Nous sommes là pour accomplir sa mission à Lui : aimer nos frères, Le servir Lui en chacun d’eux, servir nos frères.

 

Utiliser des images …

 

Regarder autour de nous, écouter ce que disent les personnes et nous y appuyer.
Voici quelques exemples tirés des écrits salésiens qui nous sont parvenus.

 

«  … Que le navire prenne route qu’on voudra, qu’il cingle au couchant ou levant, au midi ou au nord, et quelque vent que ce soit qui le porte, jamais poudrant son aiguille marine ne regardera que sa belle étoile et le pôle. Que tout se renverser sens dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous, c’est-à-dire que note âme soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en ténèbres, en tentations, en repos, en goût, en dégoût, en sécheresse, en tendreté, que le soleil la brûle ou que la rosée la rafraîchisse, ah ! il faut pourtant qu’à jamais et toujours, la pointe de notre cœur, notre esprit, notre volonté supérieure, qui est notre boussole, regarde incessamment et tende perpétuellement à l’amour de Dieu son Créateur, son Sauveur, son unique et souverain bien. »

D’après IVD 4ème partie ch 13. « Des consolations spirituelles et sensibles et comment il faut se comporter en icelles ».

 

… et des moyens techniques parlants.

 

François de Sales a utilisé l’écrit (fin 16ème siècle – début 17ème), développé et favorisé l’usage d’une nouvelle technique de communication : l’imprimerie.

 

Quels sont les moyens, les techniques, les langages que connaissent ceux et celles avec lesquels et pour lesquels tu travailles ?

Comment les utilises-tu, comment te sers-tu des possibilités de tes élèves, des mamans qui viennent au dispensaire, … par exemple ?

Comment manifestes-tu que tu apprécies certaines réalisation, certaines compétences qui ne seraient pas apparues si tu n’avais pas fait attention aux goûts de tes étudiants …, à leur savoir-faire ?

Comment les ouvres-tu à d’autres cultures, et à des moyens différents ?

Comment, ici encore, favorises-tu les échanges de compétences, les services rendus réciproquement ?

Comment manifestes-tu ton intérêt
pour des moyens qui facilitent le travail, le développement des personnes, la recherche, l’étude ? …

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« Dieu est Dieu du cœur humain »               Un essai de pédagogie salésienne.

 

La pédagogie est affaire de cœur, d’action, de liberté, de compétence professionnelle.    J. Harvengt