Chemin d’humanisation.

 

 

“ … Et Celui duquel si souvent  il est écrit : Je vis moi-même, dit le Seigneur, il a pu dire après, selon le langage de son apôtre : Je vis moi-même, non plus moi-même mais l’homme vit en moi (GA 2, 20) ; ma vie c’est l’homme, et mourir pour l’homme, c’est mon profit (Ph 1, 21) ; ma vie est cachée avec l’homme en Dieu (Col 3, 3). Celui qui habitait en soi-même habite maintenant en nous, et celui qui était vivant ès siècles dans le sein de son Père éternel (Jn 1, 18) fut par après mortel dans le giron de sa mère temporelle. Celui qui vivait éternellement de sa vie divine vécut temporellement de la vie humaine, et Celui qui jamais éternellement n’avait été que Dieu sera éternellement à jamais encore homme, tant l’amour de l’homme ravi Dieu et l’a tiré à l’extase 4 ! … »

TAD L 10 ch 17 « Comment notre Seigneur pratiqua les plus excellents actes de l’amour. »

 

 

Tout ce qui humanise l’homme le divinise ! Croyons-nous vraiment cela ? Le crois-tu ?

 

Avant d’entreprendre une quelconque démarche liée à ton engagement apostolique – et les formes en sont très variées, tu le sais – redis-toi que tu n’es pas là pour vendre ta marchandise, pour te mettre en avant ! Tu es là parce que tu y es envoyé, avec d’autres, par et au Nom du Seigneur Jésus-Christ. Donner cours, animer un groupe, soigner les malades, écouter les personnes, nous adresser à elles … cela ne sa fait pas pour ton propre compte ni pour le mien.

 

L’évêque André Frémyot , frère de madame de Chantal et jeune prédicateur, avait demandé quelques conseils à François de Sales. Dans une remarquable lettre, François donne ces conseils. Nous en reprenons ici quelques traits parce qu’ils concernent directement notre réflexion.

 

 

Quelle est la fin, le but de notre mission, de notre animation de groupe, de notre travail sur les chantiers, dans les écoles, les hôpitaux ou dispensaires, les études, la comptabilité, etc ? Nous faisons cela dans quel but ?

 

La fin est la maîtresse cause de toutes choses …

.. Selon le dessein qu’on a de bâtir une grande ou une petite maison, on prépare la matière, on dispose l’ouvrage.

 

Quelle est donc la fin du prédicateur en l’action de prêcher ? Sa fin et son intention doivent être de faire ce que notre Seigneur est venu faire en ce monde ; et voici ce qu’il en dit lui-même : « Je suis venu afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient plus abondamment » (Jn 10, 10)

 

Or, pour mener à bonne fin ce dessein, il faut que le prédicateur fasse deux choses : c’est enseigner et émouvoir. Enseigner les vertus et les vices : les vertus pour les faire aimer, affectionner et pratiquer ; les vices pour les faire détester, combattre et fuir. C’est, tout en somme, donner de la lumière à l’entendement (= l’intelligence) et de la chaleur à la volonté (= aux mouvements du cœur) … »

 

Il s’agit donc bien de mettre l’homme debout, tout l’homme : éclairer son intelligence en faisant appel à ses capacités de jugements des situations, ses capacités de discernement de ce qui fait vivre ou tue l’humanité ; toucher, émouvoir son cœur pour qu’il puisse se mettre en route, choisissant d’agir selon sa conscience. Dans le passage d’Evangile sur lequel s’appuie François, pas d’exclusive entre les hommes, pas de tri. C’est tout l’homme et chacun.

 

Eclairer l’intelligence.

 

Développer les capacités de réflexion et d’analyse qui sont dans chaque personne humaine, si fragile soit-elle. Concrètement, cela signifie qu’il est bon de s’appuyer sur ce que connaissent et peuvent réaliser les personnes, de favoriser les échanges et la communication des expériences, de développer l’esprit critique 6 (= ne pas avaler d’un trait n’importe quoi). Ainsi, ce qui est proposé pourra être reçu comme un plus, comme un enrichissement pour les personnes et pour le groupe.

 

Toucher le cœur ;

 

Si notre travail vise un changement dans des manières de faire et de penser, des décisions à prendre, que ce soit perçu comme un bien  et pour soi et pour les autres. Que ce bien souhaité devienne moteur d’une décision.

 

Donner des repères.

 

« Dieu nous a signifié en tant de sortes et par tant de moyens qu’il voulait que nous fussions tous sauvés, que nul ne le peut ignorer. A cette intention, il nous a fais à son image et semblance par la création, et s’est fait à note image et semblance par l’Incarnation, après laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver, ce qu’il fit par amour … » D’après TAD livre 8, ch 4.

 

Notre être, notre nature elle-même, ce que nous sommes ici et maintenant ce qui est notre vocation de vie d’union à Dieu, l’amour divin qui est offert à chacun, voilà des expressions du salut.  Quand François parle de volonté de Dieu, il s’agit d’une vie donnée, communiquée, accueillie, partagée (voit TAD livre 2). Il ne faut pas s’y tromper : la volonté de Dieu n’est nullement celle d’un tyran qui violente ceux sur lesquels il a autorité. En Jésus, nous pouvons connaître comment Dieu dit le salut et en pose les gestes.

Que veut maintenant dire volonté signifiée ? Dieu nous dit sa volonté signifiée par les commandements, les inspirations et les conseils qu’il nous souffle personnellement à l’oreille (voir TAD livre 8). Dans la Bible, la Loi est donnée dans une Alliance et non après avoir investi ou conquis des hommes comme s’ils étaient des marionnettes ! Les commandements sont des Paroles de confiance données pour la Vie. François s’inscrit dans ce droit fil.

 

Un commandement marque une limite qui vise la vie personnelle et la vie d’un groupe. Sans limite, pas de repère, pas de connaissance de ce que je suis, de ce que je puis faire ou pas, pas de connaissance possible de ce à quoi les autres ont droit, de ce qui les vivre. Sans limite et sans repère, on nage dans la confusion.

 

La connaissance de la Loi, la connaissance des repères ne peuvent advenir que très progressivement et dans un contexte relationnel riche d’échanges variés et patients. Si nous sommes chacun notre propre centre, pas de repère fiable possible parce que pas de point d’appui, pas de confrontation de points de vue, pas de parole autre que moi-même, pas d’interdit. Pour chaque personne, la limite est réellement quelque chose de positif, de structurant : j’apprends qui je suis et découvre peu à peu ce dont je suis capable ou pas. Pour un groupe, des limites et des repères définis clairement et dans un échange de points de vue, de buts visés, sont des garanties d’écoute et de bon fonctionnement.

 

Travaille à donner des points de repères dans les groupe où tu as une responsabilité ; ne les donne pas toi-même mais indique des moyens de les découvrir et de les accepter en fonction du but visé, de la vie des personnes et du groupe. Ces repères ne sont pas immuables, ils sont toujours au service de la vie.

 

Veuille à ce que chacun et chacune vive et agisse au plus près de ce qui lui paraît honnêtement le meilleur et pour lui et pour les autres.

Appuie-toi sur les progrès et la liberté qui grandissent dans un groupe. Exemple emprunté dans le comportement au volant d’une voiture. Première étape : vive la liberté et je fonce. On a vite compris ! Ensuite : gare aux policiers et aux contraventions etc. Par après : le code est sensé, il permet de circuler en sécurité. En dernier, quoi qu’il en soit, je cherche à respecter les autres usagers de la route, leur droit à la vie, ma propre vie aussi et respectant le code, j’adapte ma conduite à ce but.

Dans un groupe, tu peux toujours espérer faire monter le niveau de conscience si tu as l’un ou l’autre membre qui agit avec le niveau du dessus. Si tout le monde conduit par peur du policier, l’hécatombe routière se poursuivra. Si quelqu’un ou quelques-uns disent : « attention pour la vie de tous » la situation va s’améliorer. Niveler par le haut, faire monter, faire grandir, voilà le bon usage des repères et des limites.

 

Interviens quand il faut corriger, rectifier, voire punir. Avant d’intervenir, de faire quoi que ce soit dans le sens de la réprimande, prends un peu de distance vis-à-vis de toi-même, autant que faire se peut : vérifie ton intention, le pourquoi de ta réaction. Garde des propos mesurés, nets et fermes qui récusent tel acte, telle attitude, tel mensonge sans juger la personne. S’il faut punir, fais-le dans de justes proportions face à la rectification souhaitée, en aucun cas parce que ton amour-propre est blessé. Dans ce domaine des réprimandes, il faut tourner la langue dix fois plutôt que sept avant de parler ! « Quel est le but ? » question qui restera présente à ton cœur et à ton esprit.

 

Sois vrai, parle vrai ; tais-toi ou parle quand il le faut. Nous ne devrions pas chercher à monter sur un piédestal. Le but de notre vie n’est pas là : éduquer est un service rendu aux autres.

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« Dieu est Dieu du cœur humain »               Un essai de pédagogie salésienne.

 

La pédagogie est affaire de cœur, d’action, de liberté, de compétence professionnelle.    J. Harvengt